C’est Howard Colby Ives, un pasteur unitarien qui avait découvert la foi bahá’íe, a raconté cette histoire.

Une porte s’ouvrait, à l’autre extrémité de la pièce, livrant passage à un groupe de personnes, et ‘Abdu’l-Bahá apparut, faisant un geste de bienvenue. Tous les regards étaient fixés sur lui. Je fus de nouveau frappé par la dignité, la courtoisie et l’amour sans pareils qui émanaient de sa personne. Les rayons du soleil matinal éclairaient son vêtement. Son fez était légèrement incliné et, alors que je le regardais, d’un mouvement visiblement familier, il leva la main pour le remettre en place. Nos yeux se croisèrent… Il sourit et, d’un geste que seul peut décrire le mot « majestueux », il me fit signe. Dire que j’étais surpris ne saurait traduire ce que j’ai alors ressenti. Une chose incroyable venait de se produire. Pourquoi me ferait-il ce signe amical, à moi, un étranger, un inconnu? Je regardai autour de moi. Ce geste s’adressait sûrement à quelqu’un d’autre! Mais il n’y avait personne près de moi. Je regardai encore, et de nouveau il me fit signe. Malgré la distance qui nous séparait, et bien que mon cœur fût encore insensible, un tel flot d’amour et de compréhension m’enveloppa que je fus saisi d’un frisson, comme si la brise d’une aube divine m’avait effleuré le front.

Lentement, j’obéis à cet ordre impérieux, et lorsque je m’approchai de la porte près de laquelle il se tenait encore, il fit signe aux autres de s’éloigner et me tendit la main, comme s’il m’avait toujours connu. Et, alors que nos mains droites se rencontraient, il signala d’un geste de la main que tous devaient quitter la pièce, puis il m’y fit entrer et referma la porte. Je me souviens que l’interprète était fort étonné d’être lui aussi exclu, avec tous les autres. Mais je ne pensais à rien d’autre qu’à ce qui m’arrivait d’incroyable. J’étais absolument seul avec ‘Abdu’l-Bahá.

Tenant toujours ma main, ‘Abdu’l-Bahá traversa la pièce et se dirigea vers la fenêtre près de laquelle se trouvaient deux chaises. Même alors, la majesté de sa démarche me frappait, et je me sentais comme un enfant conduit par son père – un père plus qu’humain – à une rencontre réconfortante. Sa main tenait toujours la mienne, la serrant souvent plus fermement. Et puis, pour la première fois, il parla, et dans ma propre langue. Tout doucement, il m’assura que j’étais son très cher fils.

Je ne saurais dire ce qui, dans ces simples mots, m’apporta une telle certitude. Étaient-ce le ton de sa voix et l’atmosphère qui régnait dans cette pièce, où les vibrations spirituelles surpassaient tout ce que j’avais connu jusqu’ici, qui firent fondre mon cœur et m’attendrirent presque jusqu’aux larmes? Je sais seulement qu’un sentiment de vérité m’a envahi. J’avais enfin trouvé mon Père! Quelle relation paternelle terrestre aurait pu égaler cela? Une émotion exquise et nouvelle s’empara de moi. Ma gorge se serra, mes yeux s’emplirent de larmes. Même si ma vie en avait dépendu, je n’aurais pu articuler une seule parole. Tel un petit enfant, je suivis ces pas majestueux.

Puis nous allâmes nous asseoir sur les deux chaises près de la fenêtre; genoux contre genoux, les yeux dans les yeux. Enfin, il me regarda bien en face, ce qui n’était pas encore arrivé depuis que nos regards s’étaient croisés quand il m’avait fait signe la première fois. Et maintenant, rien ne s’interposait plus entre nous, et il me regardait. Il me regardait! Il me semblait que, jusque-là, personne ne m’avait vraiment vu. J’éprouvais la joie d’être enfin chez moi et de me trouver seul avec celui qui me connaissait vraiment, mon véritable Père.

Pendant qu’il me regardait, une telle profusion de pensées se reflétaient si clairement sur son visage que, même en parlant une heure durant, il n’aurait pu en dire davantage : d’abord, une certaine surprise peut-être, bientôt suivie d’une telle sympathie et d’une telle compréhension, d’un amour si bouleversant, comme si son âme s’ouvrait pour me recevoir. Je sentis mon cœur fondre et mes larmes se mirent à couler. Mais je ne pleurais pas au sens habituel du terme. Mes traits ne se décomposaient pas. C’était comme si un flot longtemps retenu était enfin libéré. À mon insu, alors que je le regardais, les larmes coulaient.

Avec ses pouces, il essuya les larmes qui mouillaient mon visage. Il me pria de ne pas pleurer, m’assurant qu’il fallait toujours être joyeux. Et il rit, d’un rire si juvénile et si sonore qu’on eût dit qu’il avait découvert la plus amusante des plaisanteries, une plaisanterie divine que lui seul pouvait comprendre!

Je n’arrivais pas à parler. Nous demeurâmes tous deux parfaitement silencieux pendant ce qui me parut un long moment et, peu à peu, une grande paix s’installa en moi. Alors, ‘Abdu’l-Bahá posa sa main sur ma poitrine en disant : « C’est le cœur qui parle. » De nouveau, ce fut le silence, un long silence fascinant. Aucun autre mot ne fut prononcé et, pendant tout le temps que je passai avec lui, pas un son ne sortit de ma bouche. Il n’était pas nécessaire que je lui parle. Je le savais déjà à ce moment-là, et combien je remerciai Dieu qu’il en fût ainsi.

Tout à coup, il bondit de sa chaise avec un nouvel éclat de rire, comme s’il débordait d’une joie divine. Se tournant vers moi, il me prit par les coudes, me leva et me prit dans ses bras. Quelle étreinte! Ce ne fut pas une étreinte ordinaire! Mes côtes en craquèrent. Il m’embrassa sur les deux joues, passa son bras autour de mes épaules et me conduisit à la porte.

C’est tout. Mais, depuis ce jour, la vie n’a plus jamais été tout à fait la même.

Adapté de Howard Colby Ives, Les voies de la liberté, p. 26-27


Louis Gregory était un avocat afro-américain de Charleston, en Caroline du Sud, diplômé des universités Fisk et Howard. Il est devenu un grand enseignant de la foi bahá’íe et un champion de la justice.

Un jour, durant son séjour à Washington, ‘Abdu’l-Bahá invita M. Louis Gregory à venir chez un haut fonctionnaire du gouvernement qui organisait un déjeuner en l’honneur de ‘Abdu’l-Bahá. Monsieur Gregory en fut étonné, car il savait qu’il n’avait pas été invité et que les Américains blancs n’avaient pas coutume de manger avec un homme noir. Il sentit cependant qu’il devait y aller puisque le Maître souhaitait le voir.

‘Abdu’l-Bahá l’accueillit avec sa gentillesse habituelle. Pendant une heure, ils parlèrent de beaucoup de choses. Soudain, le domestique apparut à la porte et annonça que le repas était servi.

‘Abdu’l-Bahá se leva rapidement et se rendit à la salle à manger, mais monsieur Gregory resta derrière, ne sachant que faire. Devait-il partir ou attendre?

‘Abdu’l-Bahá se dirigea vers la table, s’arrêta soudainement et dit en anglais, d’une voix assez forte : « Où est mon ami, monsieur Gregory? Mon ami monsieur Gregory doit déjeuner avec moi. »

Il n’y avait qu’une seule chose à faire. Le domestique partit à la recherche de monsieur Gregory. Pendant ce temps, ‘Abdu’l-Bahá commença à déplacer les nombreux verres, couteaux et fourchettes pour faire une place à monsieur Gregory à côté de lui.

Ainsi, monsieur Gregory s’assit à la place d’honneur, à côté de ‘Abdu’l-Bahá. Et ‘Abdu’l-Bahá anima la réception d’une façon si agréable que tous les invités oublièrent bientôt, du moins pour un moment, à quel point il est stupide de ne pas aimer un autre être humain simplement à cause de la couleur de sa peau.

Traduit et adapté de Gloria Faizi, éd., Stories about ‘Abdu’l-Bahá


L’unité est l’expression de la puissance de l’amour de Dieu

The Promulgation of Universal Peace Causerie donnée par ‘Abdu’l-Bahá le 14 avril 1912


Un jour, on demanda à ‘Abdu’l-Bahá : « Pourquoi toutes les personnes qui vous rendent visite repartent-elles avec un visage rayonnant? »

Il répondit avec son beau sourire : « Je ne saurais vous le dire, mais dans tous ceux que je regarde, je ne vois que le visage de mon père. »

Traduit et adapté de Annamarie Honnold, Vignettes from the Life of ‘Abdu’l-Bahá, p. 96


Une prière de ‘Abdu’l-Bahá

Il est le Compatissant, le Très-Généreux! Ô Dieu, mon Dieu, tu me vois, tu me connais, tu es mon havre et mon refuge. Je n’ai cherché et ne chercherai nul autre que toi, je n’ai foulé et ne foulerai d’autre sentier que celui de ton amour. Dans la sombre nuit du désespoir, mes yeux se tournent, pleins d’attente et d’espérance, vers le matin de ta faveur infinie. Dès l’aurore, mon âme languissante est rafraîchie et fortifiée au souvenir de ta beauté et de ta perfection. Celui qu’assiste la grâce de ta miséricorde, ne fût-il qu’une goutte, deviendra l’océan sans limites, et le plus simple atome, aidé par l’effusion de ta tendre bonté, brillera comme l’étoile radieuse.

Esprit de pureté, toi, le très généreux Dispensateur, prends sous ta protection ton serviteur ardent et passionné. Aide-le, en ce monde, à demeurer ferme et constant dans ton amour, et permets à cet oiseau aux ailes brisées de trouver refuge au creux de ton nid divin dans l’arbre céleste.

Rencontres avec ‘Abdu’l-Bahá

Lisez ici des prières et des histoires sur l’exemple donné par ‘Abdu’l-Bahá